Santé et chaleur, une longue histoire

Des approches primitives de la thermothérapie

La thermothérapie est ancienne. Un médecin français de l’armée, Jules Crevaux, a par exemple observé en Guyane les modes de vies au XIXe dans des tribus amérindiennes. Il a notamment illustré les soins prodigués aux femmes après leur accouchement qui consistent à verser sur des pierres chaudes de l’eau bouillante, la femme se reposant juste au-dessus dans un hamac. Le principe était donc de chauffer le bas ventre pour éviter les infections.

Dans d’autres pays, en Asie par exemple, des briques réfractaires chaudes étaient posées sous le lit des femmes venant d’accoucher et remplacées régulièrement dans la journée, pour maintenir une chaleur intense sur le corps.

La conservation de produits par le chaud.

La santé est toujours étroitement liée au développement de principes de conservation alimentaire. Nous avons pu l’expliquer dans un ouvrage paru il y a quelques années, Théorie du stock froid. L’utilisation du froid comme du chaud, en apparence tellement banale, est cependant à l’origine de progrès considérables.

L’appertisation, inventée par Nicolas Appert, a révolutionné la conservation des viandes, des légumes et des fruits. L’inventeur a gagné un concours de Napoléon 1er organisé pour conserver les rations destinés à l’armée. Il a démontré qu’en chauffant des aliments dans un récipient étanche à l’air, il parvenait à détruire les micro-organismes pathogènes autour de 100-120°C.

Premières bouteilles à conserve. Appert utilisait des récipients en verre, type bouteilles de champagne à goulot élargi.

Soixante ans plus tard, Pasteur a développé à son tour l’idée comparable de pasteurisation, tout d’abord pour conserver le vin, la bière, le lait aigre.

Le principe, rapidement généralisé, est alors de monter en température les aliments entre 62 et 88°C sur une durée déterminée, avant un refroidissement brusque, de façon à éliminer un nombre important de micro-organismes et éviter la prolifération de ceux qui restent. La stérilisation, intervenue plus tard, s’effectue avec un traitement thermique plus élevé, à plus de 120 °C pour tuer toute forme microbienne.  Depuis Pasteur, les traitements thermiques évoluent sans cesse.

Ces méthodes ont largement été vulgarisées au point qu’au XXe siècle environ 9 millions de Français faisaient chaque année leurs propres conserves. Aujourd’hui, chaque Français consommerait toujours environ 50 kg de conserves par an. La conserverie alimentaire, c’est 12 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France, 3 milliards pour les plats préparés et plus de 60 000 emplois qui peuvent être comparés à 29 milliards pour l’industrie du médicament et ses 98 000 emplois.

L’idée d’associer la destruction de micro-organismes pathogènes à la chaleur est donc ancienne.

La thermothérapie actuelle et les soins du corps

Pour soigner le corps, la thermothérapie a été souvent mise en avant. Elle l’est toujours par le biais des cures thermales, utilisées dès l’antiquité. En réalité, si on parle de « bienfaits » des cures thermales, il est désormais surtout question de bien être, de repos, de massages.

L’impact de la chaleur n’a jamais réellement été démontré étant donné que les températures des thérapies ne dépassent pas les 45°C. Le contact de l’eau avec la peau ne permet pas de dépasser cette température pour le corps.

La chaleur des sources thermales n’est plus qu’un aspect modeste des cures.

Les eaux sont réparties en 4 catégories

  • Les eaux froides jusqu’à 20°C
  • Les eaux hypo thermales de 20 à 30°C
  • Les eaux thermales entre 30°C et 45°C

Pour les eaux thermales, il faut distinguer les températures de bains et de vapeur d’eau. Ainsi par exemple à Aix les Bains, la température de l’eau est à 34°C, tandis que les bains de vapeur sont entre 35 et 45°C.

  • Les eaux hyperthermales

Ces eaux ont une température d’émergence supérieure à 45°C, elles peuvent dépasser les 80°C comme à Chaudes-Aigues (82°C, l’eau la plus chaude d’Europe).

600 000 personnes chaque année sont adeptes du thermalisme en France.

Pour ce qui concerne les hammams, les températures du caldarium – la pièce la plus chaude – vont de 20°C au sol jusqu’à 50°C pour la partie la plus élevée. L’humidité est de 100%. Le temps maximum d’un bain turc ne doit pas dépasser les 45 min, 10 à 15 min sont conseillées.

Enfin pour le sauna, la température de l’air est comprise entre 40°C au sol et 100°C en hauteur. L’humidité est variable. Une séance de sauna peut s’échelonner entre 2 ou 3 séquences de 10 à 15 min par passage.

Aucun traitement antiviral ou antibactérien n’est directement envisageable à partir de ces pratiques.

Thermothérapie et hyperthermie

Pour les sociétés anciennes, une association a été trouvée entre la vapeur à température élevée et les soins corporels. Ce fut une exceptionnelle découverte qui a probablement nécessité des siècles de mise au point.

Cette idée, toujours d’actualité, a évolué. Si certains usages sont entrés dans la catégorie des activités de « bien-être », le traitement hyperthermique a donné lieu à de nombreuses applications.

En particulier, la chaleur présente des atouts pour détruire des cellules cancéreuses et abimer les vaisseaux sanguins qui irriguent les tumeurs. Elle a aussi pour effet indirect de déclencher une réaction immunitaire qui aide à combattre le cancer et les cellules se montrent plus sensibles à la chimiothérapie et à la radiothérapie.

Passons rapidement en revue les outils :

  • Radiofréquence.

Une sonde mince ressemblant à une aiguille émet le courant électrique directement dans la tumeur. L’extrémité de la sonde libère une chaleur dont la température varie entre 50 °C et 100 °C. Le traitement dure environ une ou deux heures.

  • Micro-ondes

L’ablation par micro-ondes est une forme de traitement hyperthermique local interne qui emploie une plage de fréquences bien plus élevée. Il s’agit cette fois de traiter une plus grande surface de tissus.

  • Ultrasons

Les ultrasons focalisés de haute intensité sont une forme de traitement hyperthermique local externe.

  • Hyperthermie magnétique 

Elle requiert l’injection de nanoparticules magnétiques au sein des tumeurs et l’application d’un champ magnétique alternatif externe.

  • Chaleur faible et perfusion

L’hyperthermie régionale utilise une faible chaleur (la température varie généralement entre 40 °C et 45 °C) pour traiter le cancer. On peut l’administrer pour chauffer de grandes surfaces de tissus : un organe, une cavité corporelle ou un membre.

Ce chauffage peut prendre la forme de perfusion de sang réchauffé et perfusé dans la zone du cancer. Il peut s’utiliser pour le traitement du cancer du poumon par exemple. Le principe de la masse chauffante basse effusivité va ici apporter des solutions nouvelles nettement plus efficaces.

  • Couverture totale

L’hyperthermie corporelle totale existe également en recourant à une faible chaleur pour faire augmenter la température du corps à environ 42 °C. Cela peut être fait de plusieurs façons, par exemple à l’aide de couvertures remplies d’eau chaude, Cette approche est étudiée par des chercheurs plutôt pour des personnes dont le cancer s’est propagé. Elle recoupe des traditions asiatiques ancestrales de sudation sous une couverture avec une marmite bouillante de plantes médicinales.

Aucune de ces techniques n’est toutefois utilisable dans une perspective antivirale.

Deux méthodes actuelles de destruction cellulaire par la chaleur

Dans le cadre d’une application d’une masse chauffante sur le thorax, il est utile de se pencher sur l’ensemble des tissus touchés par une forte élévation de température.

De façon générale, la chaleur accélère la circulation des fluides et de l’oxygène, tout en réduisant les informations transmises au cerveau. Sur une plage de 56-59°C les connaissances sont plus limitées. A priori, les cellules devraient mal réagir.  Pourtant les tissus au contact d’une poche contenant un mélange à basse effusivité montrent une surprenante tolérance.

Nanohyperthermie

Une équipe du CNRS, de l’Inserm, de l’Université Paris Descartes et de l’Université Paris Diderot a mis au point une stratégie de traitement hyperthermique qui consiste à ramollir les tumeurs malignes en les chauffant grâce à des nanotubes de carbone injectés directement dans les masses tumorales. Ces composés sont ensuite activés par un laser. Grâce à cette technique appelée nanohyperthermie, seuls les tissus cancéreux sont affectés.

Testée chez la souris, cette méthode s’est avérée efficace. En chauffant à 52 °C les tumeurs pendant 3 minutes, les chercheurs ont constaté un ramollissement de celles-ci dans les jours suivants.

En dénaturant les fibres de collagène qui composent les tumeurs, la chaleur permet de déstructurer leur microenvironnement et les rend plus sensibles à d’autres traitements. La nanohyperthermie n’est pas présentée comme un traitement des tumeurs, mais permet de renforcer l’efficacité de la chimiothérapie.

Photothermie

La thérapie photo thermique est un autre moyen récent de lutte contre le cancer. L’idée consiste à synthétiser des molécules artificielles, qui tuent les cellules cancéreuses en dégageant de la chaleur au bon endroit. Ces molécules sont capables d’absorber des rayons dans le proche infrarouge et convertissent efficacement cette énergie en chaleur. Les rayons lumineux, à ces fréquences, sont peu absorbés par la peau et le sang. Cette conversion est le principe de l’effet photothermique. Éclairées par un laser, certaines molécules n’émettent pas de photon, mais produisent de la chaleur en se désactivant par vibration. La lumière du laser traverse alors les tissus, jusqu’à un ou deux centimètres. Quand la tumeur est éclairée au laser, la molécule brûle les cellules cancéreuses. Mais les applications cliniques semblent encore loin.

La thermothérapie présentée précédemment peut se résumer avec une approche de physicien :

  • Thermothérapie par convection 

Les échanges thermiques s’effectuent entre un gaz – l’air – et un solide – le corps humains – La puissance de ces échanges thermiques est faible, ce qui explique que le gaz peut être monté à une température de 100°C sans impact sur le corps.

  • Thermothérapie par conduction : les échanges thermiques s’effectuent entre un liquide -l’eau – et le corps. L’eau peut réchauffer le corps mais au-delà de 40°C d’une douche ou d’un bain, le contact avec l’eau devient désagréable. Au-dessus de 43°C, la température est intenable.
  • Thermothérapie par rayonnement : elle s’utilise très localement et ne peut participer à une action antivirale sur un organe complet.
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